La démographie des homo-sapiens est en croissance exponentielle depuis le néolithique. Le dérèglement de l’écosystème planétaire est étroitement corrélé à cette évolution qui nous installe dans l’Anthropocène. Tentons de dérouler à l’envers le film des événements démographiques, comme il se doit, en essayant de changer d’ère.
Instinct de reproduction, héritage ou moteur de l’évolution, quelque soit la cause, homo-sapiens tente et réussit souvent, à coloniser tous les espaces qu’il entrevoit. Non seulement il les colonise mais il a tendance à les saturer de sa présence avec une frénésie surprenante. Cet élan semble induire un biais paradoxal, il met en danger, à terme, sa propre espèce devenue trop invasive. Nos ancêtres du paléolithique ont pu conceptualiser la peur de disparaitre, non seulement en tant qu’individus mais peut-être aussi en tant qu’espèce.
L’art pariétal magnifie la puissance animale. Imaginons des hommes peu nombreux disséminés sur d’immenses territoires vierges de toute présence d’hominidés, côtoyant une faune surpuissante. Les tout premiers 500 000 chasseurs-collecteurs du paléolithique inférieur, contemporains des périodes glacières, ont constitué les seuls humains sur notre planète durant 25000 ans. Ils ont vécu chaque nouvelle naissance comme une formidable victoire. En groupes restreints de quelques dizaines d’individus, ils sont doués d’une sensibilité et d’une conscience existentielle indéniable démontrée par ce qui reste de leurs productions artistiques. Cela amène reconsidérer la maternité et donc à situer les femmes dans une position sociale bien différente de celle qui leur sera attribuée au néolithique.

Ce regard émouvant vertigineusement distants de 25000 ans et ce profil qui évoque une telle détermination, sont ceux de la plus ancienne représentation figurative humaine connue à ce jour. Il s’agit de La Dame de Brassempouy, .

6000 ans après la Dame de Brassempouy
L’art pariétal représente rarement les êtres humains, ou alors sous une forme symbolique et simplifiée, parfois même en difficulté face à l’animal. Néanmoins; une exception marque les esprits; il s’agit de dizaines de Vénus paléolithiques découvertes ces dernières années des Pyrénées jusqu’en Sibérie. Elles évoquent toutes la fertilité. Sur des milliers de kilomètres, dans une bulle temporelle multimillénaire, des formes concrétisent un ressenti commun vis à vis de la fécondité.
Pour visualiser l’évolution de la population humaine depuis près de 70000 ans, j’ai colorié un graphique extrait du bulletin mensuel d’information de l’institut national d’études démographiques (N°394-2003). L’échelle logarithmique dévoile au mieux les variations et les tendances. Dès le début du paléolithique une sorte d’auto-régulation démographique semble régner alors que l’humanité est depuis ses origines exclusivement constituée de chasseurs-collecteurs-nomades. Deux périodes paléolithiques, inférieures et supérieures (en rouge) de 25000 ans connaissent chacune une stabilité relative de peuplement. Une première rupture (en vert) se distingue nettement. C’est une phase intermédiaire d’évolution technologique et démographique de 5000 ans, où le nombre d’êtres humains est multiplié par dix…

Nous entrons dans le paléolithique supérieur. Il bénéficie d’innovations : des outils aussi complexes que des sagaies à biseau, des harpons, des redresseurs de flèches, des propulseurs et des aiguilles à chas… Puis la population planétaire se stabilise à nouveau. Environ 5 millions individus peuplent le monde pendant encore 25000 ans.
La fertilité des femmes est influencée par des facteurs liés au nomadisme et régulée par l’allaitement qui bloque l’ovulation. Dans les sociétés de chasseurs-collecteurs-nomades, les femmes allaitent leur enfant jusqu’à l’âge de 3 ans voire 6 ans, cela a pour effet de limiter sensiblement le nombre de naissances. Parler d’une ère de régulation des naissances est peut-être anachronique mais rien ne permet d’écarter cette hypothèse. D’autres facteurs sont certainement en jeu, certains sont plus prosaïques comme la mortalité infantile et les aléas climatiques, mais ils ne sont pas contradictoires avec ce mode de maternité qui a permis de pallier bien des difficultés.
La révolution Néolithique modifie la donne, la sédentarité, l’agriculture et l’élevage modifie notre regard et nos croyances sur notre environnement. La domestication chamboule notre relation à l’animal que l’on subordonne. Il change de statut et n’est plus vénéré de la même manière. Les nouvelles religions en font des objets de sacrifices. Ils deviennent des biens, les mâles, des géniteurs, les femelles, des mères reproductrices que l’on exploite pour le lait, la viande et leurs petits. Parallèlement, le statut des femmes se modifie progressivement. Les périodes de grossesses sont plus courtes. Les jeunes enfants sont sevrés plus tôt, les céréales ou peut-être même le lait de chèvre complètent leur alimentation. La sédentarité et la spécialisation des tâches se généralisent et le temps de travail explose. Les récoltes et les travaux des champs remplacent les expéditions de cueillettes et de chasse. Très progressivement la population croît exponentiellement et le phénomène continue bien après la révolution industrielle.

Les maternités juvéniles ne sont malheureusement pas rares dans nos sociétés modernes occidentales comme dans les pays dits « en voie de développement ». Souvent accompagnées de souffrance, de regret et d’amertume, trop jeunes, trop belles, trop naïves, grossesses après grossesses ces mères deviennent moins jeunes, moins belles, moins naïves, elles sombrent dans les difficultés sociales et perdent l’accès à une éducation poussée. Souvent à leur tour, leurs propres filles revivent la même histoire, héritée du déterminisme social.
Photographies de Pieter Ten Hoopen
Extraits du Huffingtonpost (Fonds des Nations Unies pour la population).
BONUS – MALUS
Un rêve ou une dystopie
Le milliardaire américain Elon Musk, fondateur de la société SpaceX, promet un million de personnes sur Mars en 2050. Faisant fi de conditions de vie improbables qui nécessitent un confinement permanent et oblige à vivre et travailler littéralement sous cloche, certains oublient que notre planète, même amplement dégradée, offrira longtemps encore un meilleur abri qu’un refuge lointain, illusoire et fantastiquement énergivore quand il s’agit de migrer une population entière. Beaucoup de spécialiste nous rappellent qu’il n’existe pas de plan ‘B’ ailleurs que sur Terre, hormis celui de modifier profondément nos activités et le sens que nous leurs donnons. Tenter de comprendre le chemin parcouru depuis des milliers d’années ne pourra que nous éclairer.


________________compléments ______________
(Sources partielles Wikipédia)
On parle de croissance exponentielle lorsque la croissance d’une population est proportionnelle à la population existante. Le taux de croissance est le multiplicateur de la population existante à des périodes fixes, par exemple tous les cent ans. Un accroissement exponentiel, même faible, s’amplifie à chaque étape et dans tous les cas, et dépassera à terme tout accroissement linéaire qui parfois semble pourtant plus important au départ.

(source : Wikipédia)
Homo sapiens, plus communément appelé « Homme moderne », « Homme », « Humain », ou « Être humain », est une espèce de primates originaire d’Afrique qui s’est aujourd’hui répandue et naturalisée sur l’ensemble de la planète hormis l’Antarctique. Il appartient à la famille des hominidés et est le seul représentant actuel du genre Homo, les autres espèces étant éteintes. Les plus anciens fossiles connus de cette espèce sont datés d’environ 300 000 ans.
L’Anthropocène caractérise l’ensemble des événements géologiques qui se sont produits depuis que les activités humaines ont une incidence globale significative sur l’écosystème terrestre.
Le Néolithique est la période qui suit le Paléolithique, marquée par de profondes mutations techniques et sociales, liées à l’adoption par les groupes humains d’un modèle de subsistance fondé sur l’agriculture et l’élevage, et impliquant le plus souvent une sédentarisation.
Le Paléolithique est la première et la plus longue période de la Préhistoire durant laquelle les humains sont tous des chasseurs-cueilleurs la plupart du temps nomades, se déplaçant au gré des saisons en fonction des ressources alimentaires disponibles, qu’elles soient végétales ou animales. La densité de population est très faible (Source Wikipédia).
L’échelle logarithmique permet de représenter de manière plus détaillée des grandeurs de tailles très différentes. On utilise alors une échelle, qui multiplie par 10 à chaque fois que l’on avance d’une unité.